Arrêtons de confondre le repli et la fuite !

A propos du repli et de la fuite

Je me suis rendu compte au fur et à mesure du temps que certaines personnes pouvaient rencontrer des difficultés à distinguer le repli et la fuite. Or, ces notions renvoient à des réalités bien distinctes. Je vous propose de vous fournir quelques axes de réflexion afin de les distinguer, sans pour autant entrer dans leurs acceptions potentiellement pathologiques.

1. Le repli est stratégique là où la fuite est instinctuelle

Le repli s’inscrit généralement dans une stratégie globale contrairement à la fuite. La fuite, dans son acception primitive, correspond à un mouvement instinctuel face à un danger réel ou perçu comme menaçant ou pouvant menacer l’intégrité physique et/ou psychique d’un individu. Il s’agit d’une stratégie adaptative de survie, tout comme la sidération et le combat.

2. Le repli est existentiel là où la fuite est vitale

Le repli implique de peser le pour et le contre. Où ? Qui ? Quand ? Comment ? Pourquoi ? Combien de temps ? La personne qui se replie a le choix entre plusieurs options. Elle n’est pas nécessairement pressée par le temps. Il n’est aucunement question de survie. Le repli s’inscrit dans une construction de sens renvoyant le sujet à sa propre existence.

La fuite n’implique aucun choix. Elle s’impose. À ceux qui penseraient que la fuite est un choix, je réponds que celui-ci est illusoire, et relève d’un faux choix. Dans le contexte qui est le nôtre, le fuyard ne choisit pas de survivre, il tente de survivre, c’est-à-dire d’échapper à une menace réelle ou perçue comme pouvant entraîner sa mort. En ce sens la fuite est-elle vitale, car elle vise à préserver l’existence physique du sujet.

3. Le repli est un choix là où la fuite est un non-choix

Le repli convoque un choix, car il s’inscrit dans un mouvement raisonné entre plusieurs options. S’il choisit de se replier, l’individu a généralement la possibilité de choisir les conditions de son repli (lieu, durée, contexte, etc.). La survie de l’individu concerné par le repli n’est pas directement en cause. Autrement dit, une menace de mort imminente ne pèse pas sur lui.

La fuite est un choix illusoire car l’individu fuyant ne choisit rien. Il n’y a que la survie et la menace de mort qui sont présentes. Rien d’autre. Affirmer que la fuite est un choix est une perversion. La fuite, comme indiqué précédemment, est instinctuelle dans sa forme la plus primaire. Face à une agression, le corps prend le relai (Cf. neurophysiologie du stress[1]). La fuite, le combat et la sidération, en tant que stratégies adaptatives de survie, ne relèvent pas du choix. Elles sont des réactions automatiques face à un danger.

4. Les inscriptions spatiales et temporelles du repli et de la fuite diffèrent

Le repli implique un mouvement volontaire incluant un changement de lieu et d’espace. Ainsi, est-il associé au choix d’un individu de se retirer d’un environnement donné qui n’est pas nécessairement hostile ou perçu comme tel. Bien que temporaire, le repli n’aboutit pas nécessairement au retour de l’individu concerné dans l’environnement susmentionné. En effet, après une période de repli, c’est-à-dire de retrait, l’individu peut choisir d’y retourner ou bien d’embrasser une autre direction. Notons que le repli a généralement lieu dans un environnement familier et source de sécurité.

La fuite est majoritairement désorganisée car elle répond principalement à un mouvement instinctuel visant à survivre. Dans le pire des cas, il s’agit de fuir pour survivre, là, maintenant, de partir pour aller n’importe où. Il est en effet question de s’éloigner de la menace immédiate : fuir dans le but de survivre sans avoir l’assurance de survivre. La fuite est parfois anticipée. Toutefois, quel que soit le contexte, elle est toujours associée à une perte de repères. Les repères spatiaux-temporels sont distordus et l’avenir incertain. Le retour sur les lieux, s’il est possible, nécessite la neutralisation du danger et le consentement de l’individu concerné. Ce retour s’inscrit majoritairement dans un parcours de résilience ayant pour but la réappropriation subjective par celui-ci de son Histoire.

5. Le repli préserve et nourrit les forces vitales là où la fuite vise la survie des individus

Le repli favorise le repos, la réalisation d’un bilan, la clarification intérieure, la prise d’une ou plusieurs décisions, et dans le meilleur des cas, un regain de vitalité. Autrement dit, le repli n’est ni un évitement, ni une fuite. Il vise la clarification intérieure et le repositionnement. Il est avant tout stratégique, puisqu’un ou plusieurs buts lui sont assignés. Il part d’un constat, et une temporalité lui est a priori assignée. En somme, le repli en tant que stratégie répond à une construction de sens raisonnée qui préserve et nourrit les forces vitales de l’individu s’étant replié.

La fuite vise la survie d’un individu ou d’un groupe d’individus. Elle est avant tout instinctuelle. Un stratagème peut favoriser son essor. En effet, il arrive que des individus aient conscience que leur mort est potentiellement imminente (contextes de violence conjugale, d’abus, de séquestration, etc.) et décident de tenter de fuir. Dans ce cadre, l’analyse de la situation est nécessaire et un stratagème est mis en place -en désespoir de cause, dans l’urgence- lorsque cela est possible. Il s’agit de tenter de définir les meilleures/les moins mauvaises conditions pour tenter de (s’en)fuir, et donc, de survivre. Les personnes confrontées à pareille situation ont la conviction (la plus souvent réelle) qu’elles mourront si elles devaient rester. Le but est donc de tenter d’échapper à une mort qui rôde sans avoir la certitude d’en réchapper.

[1] Le-stress.pdf (researchgate.net)


Licence Creative Commons
Ce(tte) œuvre est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution – Pas d’Utilisation Commerciale – Pas de Modification 4.0 International.

Publications similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *